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Le mental des e-sportifs ...


Ils jouent dans des stades devant des milliers de personnes, en réunissent des millions à la télévision, ils récoltent des gains pouvant atteindre le million de dollars, sont de véritables stars dans leur pays. Ce ne sont pas les footballeurs ou les joueurs de basketball américains, mais bien des gamers dont il s'agit ou plus exactement des esportifs.

Leur sport c'est le jeu vidéo. Ils jouent à League of Legend (LOL), à Dota, Counter Strike, Starcraft, ou Hearthstone et bien d'autres encore et sont de véritables sportifs professionnels.

Si dans certains pays comme la Corée du Sud ou encore la Chine, le gaming est considérée comme une discipline à part entière, en France les choses commencent à peine à évoluer et le esportif dispose désormais d'un statut spécifique (France Info).

Même les clubs de football misent sur l'esport, à l'instar du PSG (mais aussi Lyon, Nantes et Monaco) qui vient d'ouvrir une branche dédiée à la tête de laquelle Bora "YellowStar" Kim, star française de LOL, vient d'être propulsé (cf La bonne étoile de Yellow star – l'Equipe).

Le quotidien d'un esportif est similaire à celui d'un sportif "classique", il s'entraine plusieurs heures par jour, seul et en équipe, il se prépare physiquement pour optimiser ses performances et éviter la blessure (problèmes récurrents de dos et de poignet), il fait attention à son hygiène de vie, gère son sommeil. Un coach encadre l'équipe au quotidien et manage l'équipe en compétition (EHOME fut la première équipe à intégrer un coach). Tous ces éléments sont des facteurs de performance et il en est un que les joueurs évoquent aisément comme essentiel pour la victoire : le mental.

En effet la dimension mentale joue une part importante quand on voit le nombre d'équipes qui abandonnent après la première défaite ou à l'inverse qui se relèvent au dernier moment pour emporter une victoire sur le fil et ensuite remonter tout le BO (signifie Best Of et désigne le nombre de manches gagnantes nécessaires) pour finalement l'emporter car l'équipe en face s'est relâchée en pensant tenir leur victoire et s'écroule complètement par la suite. Des situations fréquentes sur LOL et Counter Strike.

On pourrait parler plus particulièrement du stress. Les situations potentiellement stressantes sont nombreuses : la première fois que l'on participe à une LAN (tournoi où toutes les équipes sont réunies dans un même endroit), participer à une grande compétition, affronter une équipe chinoise, jouer une finale, jouer pour un prize money important, etc.

Le stress est un mécanisme qui dépend notamment des évaluations que l'on fait de la situation. La première réside dans le fait de percevoir la situation comme étant une menace, une perte ou un défi. Et la deuxième consiste à se demander si on est capable d'être à la hauteur de la situation. Ces évaluations sont plus ou moins inconscientes et dépendent de nombreux facteurs, comme l'approche mentale que l'on a développée de la situation compétitive et la confiance en soi. Gérer au mieux le stress s'apprend et demande de travailler sur ces facteurs et de rendre ces évaluations conscientes afin de se placer plus facilement en situation de défi et de s'appuyer sur une confiance développée par ailleurs. Cela permet au joueur de percevoir différemment la situation qui le faisait stresser et d'y répondre plus efficacement car il est plus relâché et concentré.

La concentration est également un point très important à prendre en compte et à entrainer. Parlons notamment des capacités attentionnelles qui permettent au joueur d'effectuer (pour les meilleurs) 650 actions par minute (soit plus de 10 par seconde). Cela fait appel à des habiletés cognitives développées par l'entrainement et à un fonctionnement que l'on pourrait qualifier de pilote automatique. La perception visuelle des données de jeu (mon positionnement, celui des adversaires, etc.), leur analyse et les actions qui sont faites pour y répondre sont enregistrées, programmées et automatisées. Cela nécessite une extrême concentration. Cependant la concentration est très fragile et si une action en pilote automatique prend 3 millisecondes, elle prend plusieurs dizaines de millisecondes si on n'est pas concentré.

De quoi peut venir cette déconcentration ? De choses très simples : une situation qui ne se passe pas comme prévu, se retrouver en difficulté, commettre une erreur, etc. Dans tous les cas, des émotions surviennent (frustration, colère, anxiété, etc.), des pensées parasites s'installent ("tu ne vas pas y arriver", "de toute façon ils sont plus forts", "il a trop de chance et pas moi, je ne peux pas gagner", "adieu la finale", etc.). En plus de la déconcentration, on se crispe, on doute de soi, le stress monte et les actions sont moins fluides, les erreurs peuvent même s'enchainer (dans le milieu, on appelle cela le "Tilt" comme au poker). Il est donc essentiel de savoir contrer rapidement ces phénomènes pour pouvoir basculer à nouveau dans un niveau de concentration optimal.

Un travail spécifique avec un préparateur mental permet d'intervenir à plusieurs niveaux. Tout d'abord, il conviendra, par exemple, de définir avec le joueur, quelles sont les situations les plus problématiques, et les plus stressantes pour lui et d'identifier quelles en sont les raisons. Ensuite des scénarii pourront être envisagés, de manière à anticiper un maximum de situations et préparer les actions à mener sur sa concentration et les pensées à avoir pour se refocaliser tout de suite sur l'action présente. La visualisation mentale pourra être utilisée pour répéter ces situations et les "boucliers" à mettre en place. Parallèlement, un entrainement en mindfulness (pleine conscience – travail qui permet de modifier structurellement certaine zones du cerveau impliquée dans la concentration) pourra être mené afin d'augmenter sa capacité à se focaliser sur l'instant présent, qualité indispensable au bon fonctionnement du pilote automatique.

Il convient également d'apprendre à gérer son niveau de concentration pendant toute une partie qui peut durer parfois 6h avec de courtes pauses entre les manches.

Être concentré pendant plusieurs heures (et même seulement pendant 1 heure) sans discontinuer est très difficile et très couteux en énergie.

Si grâce à une préparation mentale appropriée on peut développer et optimiser ses capacités de concentration, il est également très important d'apprendre à relâcher son attention pendant les temps faibles, de manière contrôlée bien sûr. Avoir son curseur concentration à fond toute la durée de la partie est inutile. Encore une fois, cela se travaille.

Vous l'aurez compris, les axes de travail et les bénéfices d'un entrainement mental spécifique sont nombreux : connaissance de soi, gestion de l'événement, gestion du stress, développement de la confiance, préparation d'avant match, gestion de l'erreur, concentration et reconcentration, gestion de la fatigue, de la récupération, cohésion d'équipe, etc. Tout cela s'entraine, s'apprend de manière à pouvoir être tout aussi performant en compétition que lors des entrainements dans sa gaming house (structure d'entrainement des pro gamers).

A l'heure où les équipes se professionnalisent et s'entourent d'un staff de plus en plus complet, le préparateur mental tend à devenir incontournable dans les équipes de sport électronique. Travailler le mental au même titre que les autres facteurs de la performance, est dès lors indispensable pour prétendre concurrencer les meilleures nations.


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