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Les athlètes français ont-ils le mental?



Denis Masseglia, président du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) estime que la France a un potentiel de 40 médailles à Rio. La France va-t-elle obtenir 40 médailles et faire mieux que les 34 médailles de Londres? Nous l'espérons même si cela s'annonce difficile... Le sport reste une science inexacte, faite de surprises et de déceptions, et pour l'instant, les déceptions s'enchaînent dans le camp français. Sont-ce de réelles contre-performances ou les concurrents qui ont augmenté leur niveau?

Nul doute que si les résultats des Français continuent en ce sens, de grandes questions vont être posées sur la politique nationale du sport de haut niveau, comme on a pu le voir lors du dernier échec de l'équipe de France de rugby à la Coupe du monde ou pour l'équipe de France de foot, fut un temps. Mais d'ores et déjà, nous pouvons apporter une analyse sur les questionnements liés au niveau psychologique des athlètes tricolores.

De fait, le mental français est une question qui revient régulièrement dans les médias, voire à chaque événement sportif. Nous serions moins "gagneurs" que des sportifs qui ont grandi dans des pays en guerre, à l'image de la judokate kosovare qui vient d'obtenir la 1ère médaille d'or de son pays ou de Novak Djokovic. Certains envient également le "cool" des sprinteurs jamaïcains au départ des courses. Mais si ces repères historico-culturels sont intéressants, et peut-être justes, comparons ce qui est comparable. Vous objecterez que nous n'allons pas déclencher une guerre pour gagner des médailles aux prochains Jeux olympiques. En ce sens, regardons ceux que font nos voisins européens, américains, canadiens. Clairement, il est un élément sur lequel nous sommes en retard: l'entraînement mental.



"Dans les équipes étrangères, les psys font partie intégrante du staff. En France? Rien." Teddy Riner




Pendant très longtemps, les entraîneurs comme les sportifs ont déconsidéré cet aspect de leur préparation. Ils le percevaient comme annexe ou misaient sur "l'expérience". Les plus sceptiques ne portaient même aucun intérêt aux psys, puisque le principe de la sélection naturelle du sport fait que "les meilleurs restent à la fin". Teddy Riner, le porte-drapeau de l'équipe de France à Rio a lui réalisé un travail avec une psychologue du sport. Très à l'aise et satisfait de cette relation, il note ainsi le retard de la France par rapport à certaines nations: "Dans les équipes étrangères, les psys font partie intégrante du staff. En France? Rien. C'est inadmissible. [...] On a besoin d'avocats pour gérer nos contrats, et de psys pour le mental."

Nous-mêmes, nous ne sommes pas exempts de tous reproches. Nous avons pâti d'un manque de coordination et avons souffert de l'image de certains intervenants aux expériences plus ou moins réussies. Trop longtemps, des personnes aux pratiques mystérieuses -pour ne pas dire charlatanesques- fort éloignées des bases scientifiques que la recherche a pourtant établies, ont ainsi gravité autour des sportifs. La pire expérience est certainement celle de Christine Arron, en 2004, avec sa "psychothérapeute énergéticienne".

Fort heureusement, la formation des intervenants en psychologie du sport a beaucoup évolué. On distingue aujourd'hui deux types d'intervenants: les psychologues du sport et les préparateurs mentaux. Les psychologues du sport ont une formation de base en psychologie et se spécialisent ensuite dans le champ sportif. Les préparateurs mentaux ont, quant à eux, été formés aux sciences du sport, parmi lesquelles la psychologie du sport, idéalement au sein de la filière STAPS (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives). Depuis quelques années, plusieurs Licence et Master proposent ainsi l'acquisition de connaissances et de compétences en préparation mentale. Certains d'entre nous ont même obtenu le grade de docteur en psychologie ou en STAPS et associent carrière universitaire avec intervention de terrain.


De ce fait, les missions des intervenants en psychologie du sport sont multiples: évaluation et prévention de la santé, connaissance de soi, accomplissement, et bien évidemment, acquisition et entraînement des habiletés mentales favorisant la performance. Dans un projet comme celui des Jeux olympiques, nous pouvons ainsi intervenir du début jusqu'à la fin, de la détection jusqu'au podium! Ce qui nécessite un travail sur la gestion des blessures, sur la motivation, le stress et bien évidemment sur l'optimisation de la performance.



"Face à la hausse constante du niveau de performance, les athlètes doivent maintenant perfectionner la dimension psychologique du sport de haut niveau."




Nous insistons sur le terme de travail, car avoir du mental nécessite un entraînement. Certains athlètes ont des qualités intrinsèques naturelles (confiance en soi, optimisme, gestion des émotions, etc.) mais trouver l'équilibre et la constance nécessite un entraînement. Il faut muscler son cerveau comme on muscle son corps. C'est ce qui est le plus difficile pour les athlètes qui aiment pratiquer leur sport "physiquement" mais qui sont moins à l'aise avec des exercices de préparation mentale. Cela nécessite également du temps et l'accord des entraîneurs pour adapter leurs entraînements.

Encore une fois, l'acceptation de l'intervention des psychologues du sport et des préparateurs mentaux a évolué positivement depuis quelques années. Le tabou qui faisait porter un badge "médecin" au psychologue, lors d'un déplacement avec une fédération semble dépassé. De ce que nous savons, nombre d'athlètes qui concourent à Rio ont ainsi bénéficié de cette approche mentale. Cependant, la France a pris du retard sur plusieurs nations ce qui peut expliquer, dans une certaine mesure, les contre-performances actuelles. Mais nous sommes en marche.

Face à la hausse constante du niveau de performance, les athlètes ont su augmenter leurs charges d'entraînement sur les paramètres techniques, physiques, tactiques et même stratégiques. La plupart sont devenus des "professionnels du sport". Ils soignent leur communication, ils sont très exigeants sur la qualité de leur matériel et leur hygiène de vie. Ils doivent maintenant perfectionner la dimension psychologique du sport de haut niveau. Il ne s'agit pas de dire que tout est affaire de psychologie. Toutes les défaites et les victoires ne sont pas "mentales". Il s'agit simplement de considérer l'entraînement mental comme un facteur de performance parmi les autres, un facteur spécifique et indispensable aujourd'hui.

Le plus douloureux pour un athlète, ce n'est pas nécessairement d'échouer au pied du podium, car on peut toujours tomber sur meilleur que soi. Le plus douloureux est sûrement de se dire que l'on n'a pas tout fait pour être au niveau. Que l'on était trop stressé ou pas assez concentré le jour J. Alors de là à dire que ne pas s'entraîner mentalement est une faute professionnelle, il n'y a qu'un pas.

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